Mare Nostrum, c’est le nouveau roman de Philippe de la Genardière publié chez Actes Sud pour la rentrée littéraire d’hiver. La quatrième de couverture est assez mystérieuse, mais laissait présager un moment de lecture assez spectaculaire à travers la place laissée au décor maritime, à ce retour nécessaire au bord de mer pour ne pas se laisser abattre par la vie. Cher à mon cœur, l’océan est bien présent… au début. Avant qu’un tsunami débarque dans le texte.
C’est l’histoire d’Adelphe, la soixantaine, qui se retrouve dans un petit hôtel dans le sud de la France pour se ressourcer. Des descriptions à couper le souffle, avec une magie lyrique, voilà ce qui m’a enchantée dès les premières pages. On en apprend un peu plus sur son passé, sur les événements qui l’ont amené à se retrouver seul, ici. Et puis, dans son tourment, Adelphe atteint un point de non-retour. Voilà la première partie. Et dans la seconde, la vague a tout effacé, il n’y a plus la beauté du paysage et la poésie du passé. Il y a la dure réalité de l’hôpital psychiatrique et de la fracture mentale d’Adelphe.

Aux mots qui se mélangent, il subsiste l’écriture, magnifique. Le fond se perd totalement, à mon sens, mais là où l’écrivain réussi son tour de force, c’est dans l’impression baudelairienne : le laid est sublimé, et même si Adelphe rejette totalement la littérature dans cette période sombre, elle reste malgré lui, dans ses paroles.
Mais cette histoire ne se résume pas à la vie d’Adelphe : il y a une femme. Maïsha, la trentaine, travaille dans la même maison d’édition qu’Adelphe. Leur relation est particulière. La couleur de peau de Maïsha est au cœur d’un problème récurrent pour la femme, qui trouve sa source dans l’Histoire avec un grand H. Ce point m’a laissée un peu perplexe. Si je peux m’ouvrir à des sujets parfois loin de mes habitudes, j’ai eu du mal à vraiment comprendre la pertinence du lien entre l’histoire de Maïsha, son problème personnel (qui, je l’avoue, m’a fait sauter quelques pages car j’étais gênée) et le sujet lancé dans les premières pages. Alors quand la dernière partie change de narration, plaçant le lecteur dans la tête de Maïsha, j’ai sombré dans le tonneau de la vague. Ce n’est pas un style de narration que j’apprécie, car j’ai l’impression d’être forcée. Je n’ai pas ressenti de sympathie pour Maïsha, alors je n’ai pas aimé me retrouver dans sa tête. Là encore, des passages m’ont gênée, car je n’avais pas envie d’entrer dans l’intimité de cette femme. Malgré tout, l’écriture reste pour moi le point magistral de ce texte.
Cette chronique me permet de prendre conscience clairement de ce que j’ai pensé du texte. Après une bonne semaine de digestion, je peux dire que le livre de Philippe de la Genardière m’a troublée, renversée, bousculée, comme si j’étais prise au piège d’une vague, dans un tonneau. J’ai été profondément émue par la première partie, aveuglée par la beauté des mots, par le voyage vers la mer. Cet aveuglement, je l’ai ressenti encore, pendant la seconde partie, tiraillée entre la beauté du texte et l’effroi des conditions de l’hôpital psychiatrique. Et j’ai ouvert les yeux, face à Maïsha. J’ai ruminé, j’ai hésité. Mais ma lecture a fonctionné. Pour moi, ce texte est une réussite. Ce n’est pas grave de ne pas être d’accord, de tourner des pages plus rapidement, la littérature est là aussi pour faire réagir et ressentir. Et c’est ce qu’il s’est produit pour moi.
Un texte particulier, difficile parfois, que je conseille à ceux qui apprécient déjà la torture poétique et l’empreinte baudelairienne, ou à ceux qui veulent ressentir pleins de sentiments à la fois.
Encore merci à Actes Sud et à Pauline pour cette découverte !